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TT comme... SŒUR THÉRÈSE-MARIE

par Claire Vandepaer, ancienne professeure de français : hommage à TT, lors de son départ à la pension

SŒUR THÉRÈSE-MARIE

Beaucoup errent d’est en ouest, certains perdent le nord, d’autres mettent le cap définitivement au sud. Vous allez à contre-courant.

Comment avez-vous pu quitter votre petit village de Saint-Barthelemy et les autres tout proches :

Laperche, Labarthe, Laliguet,
Villotte, Vares, Verteuil,
Et surtout Saint-Abondance
 [1]

pour venir respirer l’air de Schaerbeek, d’Evere et de Berchem-Sainte-Agathe ! Quel vent mystérieux vous a inspiré cet itinéraire à la limite du surnaturel ?

Ce déplacement diagonal, vous l’avez fait en train. Comme notre pays a dû vous sembler étrange vu de la gare du midi, qui n’a du midi que le nom ! Désormais « avec le fil des jours pour unique voyage et les chemins de pluie pour unique bonsoir » [2], même si le vent d’ouest revenait certains soirs, vous voilà petite femme dans un petit pays. Vous alliez lui donner votre pleine mesure.

Vous apportiez dans vos bagages « une langue belle qui sentait le basilic et le fromage de chèvre, où la saveur des choses était déjà dans les mots » [3].

Une autre langue, complaisante à mon projet, a aussi fait courir le bruit que votre accent d’origine causait des problèmes en nos régions. On m’a même parlé, chères logopèdes, de cours particuliers pour redresser quelque peu un parler impossible à retranscrire par les élèves dans une orthographe correcte, même à l’époque.

Ce qu’il en reste et qui nous paraît à nous si vivant a fait flotter une brise de vacances sur bien des heures de travail sérieuses.

Vous étiez parfaitement rééduquée quand nos chemins se sont croisés, en 62, on se comprenait :
Sur mes cahiers d’écolière
Sur mes bulletins d’hier
Sous mes souvenirs d’adolescente
Vous écriviez votre nom TT
 [4]

Je commets ici une erreur historique volontaire. À cette époque TT était Sœur Thérèse-Marie. Mais c’est une façon d’associer

TT et liberté
TT et simplicité dans le contact
TT et originalité dans la confiance que vous nous faisiez

Marquée par ma dure école primaire, je peux vous dire que ce n’était pas courant, un vrai contre courant et que j’en suis soufflée encore aujourd’hui ...

Avec agilité,
Du traditionnel au rénové
De la cote chiffrée... à la cote chiffrée
De l’uniforme au retour aux formes
De la clôture à la masure
De la Mère à la Sœur
De l’école pleine d’élèves
Au vide de la grève
De directrices en directeur,
Vous ne perdez pas la direction

Vos rêves ont tissé la réalité de notre école. Comme Guy Béart, vous voudriez changer les couleurs de notre temps. Les rapports entre les élèves vous les aimeriez multicolores. Les conseils de classes plus roses. L’harmonie entre les profs dans une gamme de verts... L’école, vous la voyez plus juste, plus brillante, plus harmonieuse...

Comme vous avez été précieuse à JMB ces trois dernières années en lui faisant partager votre vision personnelle des choses

Comme vous avez aidé BM à comprendre le point de vue des plus petits

Comme vous nous avez bien montré « que nous n’étions pas au bout de tous nos possibles » [5]

Comme vos paroles toutes simples et toutes concrètes nous ont aidés à vivre, à retrouver le sens du chemin, à nous centrer sur l’essentiel.

Aragon, Brel, Duteil, Cussac, Éluard, Béart, Beaucarne, qui ont été mes complices dans ce texte en me prêtant quelques mots, me conduisent à parler d’aujourd’hui.

C’est une étape importante de votre voyage. Vous voilà Belge et béate dans ce décor jardin qui n’est pas sans évoquer celui de la porte ouverte. Mais, cette fois, c’est une porte différente qui ouvre sur les jardins secrets de vos projets : ceux que vous connaissez déjà et les autres, nombreux, qui naîtront suspendus à votre imagination.

Car le vrai miracle, je veux le dire avec Éluard... et en vous tutoyant :

Je fête l’essentiel, je fête ta présence
Rien n’est passé la vie a des feuilles nouvelles
Les plus jeunes ruisseaux sortent de l’herbe fraîche
 [6]

Nous fêtons ta présence parmi nous et la trace que tu laisses ici pour toujours. Nous sommes heureux que tu sois venue réchauffer notre nord et gardons pour toi une place très chaleureuse, très lumineuse au sud-ouest de notre cœur.

Claire Vandepaer